Si l’essor du freelancing a été nettement stimulé par la numérisation de l’économie et la demande croissante en compétences numériques, le phénomène dépasse aujourd’hui le secteur IT pour s’imposer comme un mode de travail démocratisé. L’hybridation du monde du travail, la flexibilité, la mobilité ou encore le télétravail s’imposent comme les raisons les plus souvent évoquées par les salariés faisant le choix de devenir indépendants.
“Auparavant, l’industrie des biens était plus forte que celle des services. Nous souhaitions posséder les choses (que ce soit les voitures, les outils, ou même les logiciels, etc.). Aujourd’hui, l’industrie des services domine de plus en plus celle des biens. Nous payons pour le service plutôt que pour le bien (location avec option d’achat pour les voitures, recours aux services d’un particulier plutôt que l’achat d’un outil, services SaaS pour les logiciels, etc.)”, analyse la plateforme Freelance Informatique.
Cette évolution génère d’importantes répercussions sur le marché du travail, puisque même l’économie et donc le marché du travail “s’ubérise”. Dans ce contexte, le freelancing prend de plus en plus de place dans l’emploi français.
La pandémie et l’accélération du freelancing : nouvelles aspirations et tendances de fond
La crise sanitaire de Covid-19, survenue au printemps 2020, n’a pas entamé l’esprit entrepreneurial des Français ni leur désir de travailler en tant qu’indépendants. Pour preuve, l’Insee a enregistré 547 900 nouveaux auto-entrepreneurs cette année-là. Le freelancing s’inscrit au cœur d’une tendance s’amplifiant depuis plusieurs années, avec une accélération ressentie après la pandémie.
Les périodes de confinement ont en effet obligé de nombreux collaborateurs à découvrir les avantages du télétravail et conduit leurs employeurs à réévaluer l’opinion négative qu’ils avaient de ce mode d’organisation. Ces derniers ont réalisé qu’il était possible de mener à bien des projets avec des collaborateurs travaillant à distance. Dans ce contexte, les entreprises ont accepté plus facilement l’idée de recruter des freelances pour certaines missions.
La crise sanitaire a également servi d’accélérateur à une tendance de fond : les Français aspirent à plus d’épanouissement et à un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Dans son étude Talent Trends 2023, le cabinet de recrutement PageGroup a montré que malgré son importance, la rémunération n’était plus le seul critère de satisfaction. 62% des salariés privilégient désormais le contentement au travail contre 38 % le salaire.
La conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle est le principal facteur de satisfaction. La flexibilité offerte par le freelancing, que ce soit en termes d’horaires de travail ou de possibilité de faire du télétravail, répond à cette aspiration.
Le freelancing en réponse aux défis du recrutement et à la quête de flexibilité
Face aux défis persistants liés au recrutement, près de 60 % des entreprises françaises ont recours à des professionnels freelances pour bénéficier de leur expertise spécialisée, relayait Les Échos fin 2021. Une enquête réalisée cette année-là par la plateforme de mise en relation Izyfreelance indiquait que les start-up ont toujours facilement eu recours aux freelances, avec 61 % d’entre elles ayant plus de 30 % de leur effectif constitués de ce type de travailleurs.
Ce qui est plus récent, c’est que la pratique s’étend désormais à toutes les entreprises : plus de quatre sur dix déclaraient en 2021 avoir augmenté leur nombre de freelances. La première raison évoquée est la pénurie de talents, en particulier dans les domaines du numérique, mais pas seulement : d’autres secteurs, tels que la santé, l’industrie, la banque ou l’immobilier, souffrent également d’un manque de personnel.
Par conséquent, les freelances sont désormais non seulement présents dans les métiers créatifs, comme chez les graphistes et les motion designers, mais aussi dans des domaines tels que les ressources humaines (avec des coachs et des formateurs) ainsi que dans le secteur de la vente.
Ces professionnels ont l’avantage d’être flexibles, habitués à changer d’environnement et surtout prêts à l’emploi.
“On gagne en efficacité car il n’y a pas le même effort de formation technique que lorsqu’on embauche en CDI”, explique Audrey Baillet, chargée du recrutement des freelances chez Cooptalis et interrogée par Les Échos. “Avec un indépendant, on doit seulement se concentrer sur son intégration dans les projets”.