Coworking et Coliving : essor de segmentations commerciales divergentes

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Services plutôt jeunes, ayant émergé au début des années 2000, les espaces de vie et de travail partagés remodèlent leurs offres. En croissance exponentielle auparavant, ces marchés subissent aujourd’hui l’intensification de la concurrence. Dans ce contexte, la recherche de nouvelles clientèles cibles fait partie des stratégies des acteurs. Alors que la demande surpasse l’offre sur le segment du coliving, cet enjeu concerne surtout le coworking, où le taux d’occupation n’est que de 70 % environ. Pour remédier à cet essoufflement et satisfaire les exigences de l’ensemble des travailleurs, du plus riche au moins riche, les acteurs s’attèlent à développer diverses gammes de services.

Coworking : les atouts des prix cassés

49 % des Français citent le coût comme principal frein à l’utilisation d’espaces de coworking, selon une étude Creatests réalisée en 2016 auprès d’un panel de 1 032 Français âgés de 18 à 68 ans. Cet obstacle est donc un défi lancé aux sociétés administratrices de salles de travail. Celles-ci  doivent réduire leurs coûts pour conquérir une nouvelle clientèle. Dans cette logique, la start-up parisienne Station W propose des prix bas tout en offrant des conditions de travail qualitatives. Pour ce faire, elle s’appuie sur les cafés parisiens délaissés lors des heures creuses de la journée. Elle loue leurs salles et les aménage pour que les coworkers aient à disposition un ensemble de prérequis professionnels comme le Wi-Fi haut débit ou encore des imprimantes. Cette solution se révèle avantageuse à plusieurs égards. Elle couple une proximité avec le centre-ville parisien à des boissons de qualités ainsi qu’à une ambiance agréable et détendue. Station W propose ses services à moindres coûts d’exploitation, ce qui lui permet de voir à la baisse ses tarifs. Avec ce modèle économique efficient, la start-up comptait huit lieux de coworking à Paris en 2019 et espère continuer son expansion.

Des tarifs bas mais des services additionnels

Le coliving doit aussi réduire ses coûts pour séduire de potentiels locataires. Bien que la demande dépasse l’offre actuellement, parvenir à concurrencer les prix du locatif traditionnel et de l’hôtellerie est primordial pour élargir la clientèle. Pour ce faire, l’option en vogue est la proposition de services annexes. Le contrat est construit autour d’un loyer fixe et de charges semblables au prix du marché. En surplus du montant de base à régler, le locataire peut souscrire des prestations additionnelles comme un service de conciergerie ou des cours de sport. La société Deskopolitan a notamment bâti un complexe autour de ce principe. Installé sur le boulevard Voltaire à Paris, cet espace réunit coworking et coliving, avec une résidence hôtelière. L’entreprise commercialise aussi des services optionnels, comme une crèche, une salle de fitness ou, plus étonnant, un espace jardin sur le toît avec un potager mis à disposition. Selon Alexis Rebiffé, cofondateur de Deskopolitan, « ces offres de qualité sont précieuses » pour la rentabilité de l’entreprise. Toutefois, comme le rappelle l’expert en immobilier d’entreprise Cushman&Wakefield, il est nécessaire d’adapter l’offre au pays où l’on s’implante, pour être en accord avec les attentes spécifiques locales.

Développement d’un coworking de luxe

D’autres acteurs ciblent plutôt les travailleurs aisés en quête de services premium. L’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France a identifié lors d’une étude le profil sociologique du client visé. Celui-ci est âgé de 35 à 45 ans et dispose de moyens importants. Stable professionnellement et financièrement, il recherche un espace de travail soigné au sein duquel il pourrait fréquenter des individus du même milieu professionnel, pour élargir son réseau déjà étendu. La satisfaction de ces exigences induit la mise à disposition d’espaces de coworking haut de gamme. Un terme émerge pour définir cette typologie de lieux : le pro-working, contraction de professional et working. Les espaces se composent de bureaux spacieux, confortables et ergonomiques. Ce confort s’accompagne d’une offre fournie de services compris avec la réservation. La combinaison de ces éléments vise à créer des espaces se rapprochant du prestige des bureaux de grandes entreprises. C’est cette excellence que poursuit la société belge Welkin & Meraki, qui a installé en Île-de-France une « expérience 5 étoiles » autour du coworking. En plus de bureaux élégants et de grande taille, la société propose un service de restauration luxueux. Il est assuré par Benoit DeWitte, classé en 2018 parmi les 50 meilleurs chefs du monde. L’entreprise souhaite s’adresser aux sociétés bancaires et aux cabinets de conseil, enclins à se tourner vers les prestations haut de gamme.

Le coliving haut de gamme, pour décharger au maximum le locataire

Le coliving développe aussi des offres premium pour attirer une clientèle avide de services sophistiqués. Les locations cossues en coliving sont commercialisées avec une formule all-in, qui comprend une multitude de services. Tout est fait pour le confort du client. « Il ne leur reste plus qu’à poser leur valise, parce que tout a déjà été pensé pour eux » déclare Dominique Esnault, directrice générale de Quartus Coliving. Cette volonté de faciliter le séjour du client anime également la start-up Colonies, basée à Fontainebleau. Celle-ci propose la location des studios meublés. En complément, elle met à disposition des vélos en libre usage à ses locataires. Concernant la tenue de l’appartement, un service de ménage est compris dans le montant du loyer. Ce dernier inclut aussi les courses effectuées avant l’arrivée du locataire, qui dispose donc dès le début de son séjour de produits de première nécessité. Le directeur des opérations, Alexandre Parent, estime le montant des locations « entre 1050 et 1350 euros » par mois.

À PROPOS DES MARCHÉS DU COWORKING ET DU COLIVING

Depuis une dizaine d’années, le coworking ne cesse de progresser sur le marché français de l’im­mobilier d’entreprise, même s’il reste marginal. Plus récent, le coliving rencontre le même succès. Ces nouveaux lieux de travail et de vie en espaces partagés apportent la flexibilité et les échanges recherchés par certaines catégories de la population, en premier lieu les travailleurs nomades et les millennials.

Aux côtés des spécialistes de la première heure, les acteurs traditionnels de l’immobilier et de l’hôtel­lerie ont pris position. La concurrence s’intensifie. Le marché se partage entre, d’une part, les acteurs spécialisés aux concepts communautaires affûtés mais à l’assise financière fragile et, d’autre part, les grands opérateurs aux importants moyens financiers positionnés sur des projets volumineux et davan­tage standardisés. Tous affinent leur stratégie pour développer leur réseau d’usagers et leurs services.

Les espaces partagés poursuivent leur progression. Ils s’étendent sur tout le territoire, ciblent de nou­velles clientèles et, pour certains, mêlent dans un même lieu les offres de coworking et de coliving.

Les deux segments commencent à susciter l’intérêt des investisseurs, nécessaire au développement de l’activité et au lancement de nouveaux projets. Toutefois, les espaces partagés devront parvenir à renta­biliser leur business model, fondé sur le taux d’occupation. La poursuite des efforts autour de la consti­tution d’une communauté et d’une offre servicielle différenciante se place parmi les moteurs de la future croissance du marché et de ses opérateurs. Dégager des revenus et fidéliser la clientèle, tout en préser­vant les fondamentaux ayant permis au coworking et au coliving d’éclore, représentent les principaux enjeux pour la pérennité de ces activités.

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