Pour ne pas subir un arrêt total pendant le confinement, le monde professionnel a dû adopter dans l’urgence de nouvelles pratiques. Jusque-là peu répandues, voire jugées inopportunes, ces méthodes de travail ont rempli leurs objectifs, légitimant leur démocratisation au sein des organisations. Le travail à distance est devenu la norme, les outils numériques sont apparus comme les principaux alliés des salariés et dirigeants en cette période.
L’autonomisation et la responsabilisation des salariés à l’honneur
Induites par l’éloignement des salariés de leur bureau, les notions de confiance, de responsabilisation et d’autonomie ont été mises à l’honneur pendant le confinement.
Si le principal moyen de contrôle des managers sur les employés a longtemps résidé dans leur présence au sein des locaux de l’entreprise, le télétravail a prouvé que l’efficacité n’était pas remise en cause par l’éloignement. De nombreux décideurs, inquiets quant à une possible dégradation de leur activité en raison de l’éloignement du personnel, ont été rassurés. Selon une enquête de L’Usine Nouvelle, 72 % d’entre eux font davantage confiance au potentiel du télétravail qu’avant la crise. En outre, 78 % estiment que cette pratique pourrait prendre de l’ampleur à l’avenir.
Le contrôle ne s’avère plus indispensable pour maîtriser la performance
Ce constat pourrait être à l’origine d’une petite révolution managériale, symbolisée par un virage vers la confiance.
« Le télétravail oblige les managers à questionner le travail. Ils lâchent le management par le contrôle et passent à un management par la confiance et la responsabilisation. Le salarié est jugé sur sa capacité à atteindre des objectifs, pas sur sa présence au bureau. Le cadre doit être plus formel, pour laisser plus de place à l’autonomie »,
Corinne Derboeuf, directrice diversité, inclusion et qualité de vie au travail chez Schneider Electric.
Créer un cercle vertueux
Renforcée, la confiance accordée aux employés doit se refléter dans leur travail. Il s’agit de créer un cercle vertueux : avec davantage d’autonomie, les employés prennent conscience de leur importance et s’appliquent à le démontrer en atteignant le niveau de performance attendu. En y parvenant, ils confirment leur valeur et prouvent qu’ils sont aptes à travailler de manière plus autonome, effaçant ainsi les derniers doutes qui pouvaient entourer le télétravail. Le présentéisme, n’étant plus central, est devancé par la flexibilité des salariés comme des décideurs.
Manager par la confiance, aussi en présentiel
Ce mode de management par la confiance ne s’applique toutefois pas uniquement à distance. Martin Technologies l’a expérimenté dès 2013 pour l’ensemble de ses équipes. À l’époque, la PME française, spécialiste de la fabrication de plaques d’identification en métal pour l’industrie, souffrait d‘un déficit de performance en raison d’un manque d’engagement des salariés. Pour faire évoluer la situation, le président Gwendal Cadiou a décidé de transformer l’organisation des services :
– Le progiciel de gestion en vigueur a cédé sa place à des tableaux : chaque matin, les employés organisent eux-mêmes leur journée, définissent leurs tâches et échangent sur les priorités.
En plus de responsabiliser les équipes, ce fonctionnement offre un temps de parole à tout le personnel. Le changement a rapidement porté ses fruits en termes de gestion des dossiers et diminué les conflits dans les équipes.
– Division de l’activité en trois mini-usines chargées de gérer elles-mêmes leurs clients : tous les salariés ont pu choisir leur nouvelle affectation, et chaque entité bénéficie d’une autonomie quasi-totale.
À l’heure du confinement, ce management par la confiance s’est révélé optimal pour traverser la crise. Le groupe n’a enregistré presque aucune perte financière au printemps 2020.
« Les trois premiers mois ont révélé un esprit de corps autour de l’entreprise. Elle a traversé la crise de façon très positive »
Laurent Bizien, directeur général de Martin Technologies
Télétravail : le management par la confiance ne suffit pas
Accorder davantage de confiance n’est pas synonyme de télémanagement réussi. Cohésion collective, éventuelles difficultés rencontrées par certains collaborateurs, motivation des équipes : plusieurs aspects du travail impactés par la distance doivent être considérés.
Tour d’horizon des bonnes pratiques du télémanagement
• JVWEB entretient les liens sur Discord : l’agence française d’e-marketing utilise cet outil de discussion en ligne initialement destiné aux joueurs de jeux vidéo. Chaque équipe est « installée » dans un salon de chat vocal, où il est possible d’interpeller ses collègues comme s’ils étaient à côté. Jonathan Vidor, PDG de l’entreprise, passe saluer ses salariés dans chaque salon tous les matins, reproduisant ainsi le tour des bureaux qu’il effectuait en présentiel lors de son arrivée.
• ShowHeroes relaie les réussites : pour continuer à valoriser les projets menés par tous les services ou les échanges concernant le travail de chacun, la start-up d’origine allemande ShowHeroes, active dans la publicité digitale, a conçu un journal hebdomadaire présentant les réussites individuelles et collectives de l’entreprise. Chacun continue ainsi d’être informé des actions menées et reste impliqué dans la dynamique globale.
• Mozilla déstresse ses employés : Face à la montée de stress ou aux difficultés matérielles rencontrées par certains lors de la mise en place du télétravail, Mozilla, éditeur du navigateur Internet Firefox, a revu à la baisse les objectifs et attentes des employés les plus impactés, afin de leur offrir un peu de répit le temps qu’ils s’adaptent. « À situation d’exception, solution d’exception : il s’agit avant tout de ménager vos équipiers en ne leur demandant pas l’impossible », indique la revue Management.
• Exploiter les bénéfices engrangés : le temps libéré par le télétravail et les nouvelles manières de manager offre aux décideurs de nouvelles opportunités d’évolution, tant professionnelles que personnelles. « Nouer de nouvelles relations, développer leur sens de l’écoute active, solliciter l’avis de leurs collaborateurs ou remettre à plat leurs façons de travailler », liste le sociologue Daniel Ollivier. Les bonnes pratiques du télémanagement ne se reflètent pas uniquement sur les salariés, mais également sur le manager lui-même. DRH chez L’Oréal, Michael Kienle profite du travail à distance pour mieux écouter et cerner certaines personnalités dans ses équipes.